Paradoxalement, c’est dans les territoires les plus empreints du sceau de la romanité
que se concentre dès le Moyen-Age le plus de nouvelles constructions religieuses, églises,
monastères, prieurés.

Souvent d’ailleurs le nouveau bâtiment recycle les anciens lieux de culte comme pour
s’approprier la dévotion dont ils faisaient l’objet tout en gommant la dimension païenne.

C’est ainsi que des temples servent de fondation aux églises, que des menhirs sont retaillés
en croix et que des fontaines miraculeuses sont agrémentées de calvaires.
La religion s’est adaptée et le pèlerinage se perpétue.
Indubitablement, le puits qui se trouve dans l’église de LCSE préexistait à l’édifice.
Il avait suffisamment de valeur en tout cas pour être réintégré au projet du nouveau bâtiment.
Il pouvait donc correspondre à un ancien lieu de culte païen lié à une eau à laquelle on prêtait
des vertus particulières ou miraculeuses. Jusqu’à prouver une antériorité plus grande,
ce lieu de culte daterait au moins de la période gallo-romaine.

Pourtant, les premières mentions de l’église de LCSE datent du début du XIIIe siècle :
une Bulle d’Honorius III cite en 1219 une liste de prieurés tous neufs dépendant de l’Abbaye
Notre Dame de la Réau.

 

 

 

 

 

 

 

CAPELLA SANCTI STEPHANI est ensuite citée dans un document de 1272 des archives
de l’Hôpital de Parthenay (3).

En ce début du XIIIe siècle, l’église reste fortement empreinte du style roman
(contreforts plats, percements rares et étroits, volume originel massif, baies hautes
du clocher coiffées d’un arc en plein cintre à double ressaut).

Mais elle comporte tout de même un élément au goût gothique qui constitue à l’époque,
en Europe, la nouvelle référence esthétique : la baie basse de l’élévation Ouest du clocher est trilobée.

Si le clocher de l’église de LCSE témoigne avec discrétion du premier engouement gothique,
la croisée, le transept et le chevet de l’édifice montrent un style gothique plus mûr, plus flamboyant,
plus tardif.

La guerre de Cent Ans, longue et larvée, a beaucoup saccagé les parties occidentales des Deux-Sèvres
et orientale de la Vendée. De nombreux abbayes et prieurés sont incendiés, pillés …

La lourde restauration de l’église prieurale de LCSE est entreprise à ce moment-là, vraisemblablement
rendue nécessaire par les exactions de la guerre.

A l’instar des autres églises prieurales de la région, elle est partiellement reconstruite dans le goût gothique
flamboyant : le chevet plat du début du XIIe siècle est percé d’une grande baie aux remplages compliqués
qui apporte beaucoup de lumière à un bâtiment trapu et sombre, tandis que la croisée, le chœur et les bras
du transept s’ornent de croisées d’ogives posées sur piliers engagés aux moulures très sophistiquées.

Les clefs de voûte de deux croisées sont ornées des armoiries de la famille Chasteigner et de la famille Chabot (4).
Ces seigneurs ont sans doute contribué au financement du projet.

Durant tout le XVe siècle, les Guerres de Religion ruinent un nombre important d’établissements religieux.
Le prieuré de LCSE en est le plus parfait exemple.

 

En 1598,

l’année de la signature de l’Edit de Nantes, l’Archiprêtre Anthoine Pasquet visite la bourgade de LCSE
: « Et ledit jour sur les dix heures du matin, avons fait la visitation dans l’église de LCSE, après le son de la cloche,
et ne sommes enquis à Jehan Dadu, segrettain dudit lieu, et nous a dit être vicaire et servant in divinis ladite église (…).
Avons trouvé l’église fort désolée de tout ce qui est requis, la nef toute découverte, le chœur avec une chapelle voûtée
et à demi couvert de tuiles courbes, dont la plupart des murailles tendent à ruine, faute de réparations (…).
L’église est fort pauvre en nappes, chasubles, et autres choses requises, à l’occasion qu’il n’y a ni fabrice (Fabrique ndlr)
ni fabriqueur. Avons trouvé les fonts baptismaux être renversés par terre, à cause des troubles.
Dans le clocher il y a une cloche pendue et une autre qui ne l’est » (5).

En 1664,

l’archiprêtre Gabriel Voisine note : « L’église est en pauvre état. Le prieuré-curé de La Chapelle Saint-Etienne
s’adonne à la boisson ».

En 1686,

l’église menace ruine dehors et dedans : « il y a dans une chapelle un bras dans lequel il y a un vase d’argent
où sont quelques linges, sans apparence de reliques et qui pourtant s’appelle par tradition le bras de Saint-Etienne.
Le petit cimetière tout coupé de chemins est dans le milieu du bourg (6). Le curé est malade et tout perclus.
Allant aux eaux de Bourbon, il a pris comme remplaçant un prêtre nommé Avice, auparavant à Largeasse
et venant du diocèse de Bayeux. Les habitants en sont fort mécontents. Il a laissé mourir (sic) trois personnes à la
porte de l’église, sans leur donner la communion. Il n’a aucune marque de prêtre, ni en ses habits, ni en ses discours.
Il prend vin fort souvent et, à l’église, ne fait rien de décent ».

En 1695,

le sanctuaire menace toujours ruine et n’a que 4 boisseaux de seigle pour tout revenu.

La lente décrépitude de l’église prieurale de LCSE provient autant des affres des Guerres de Religion que du fait que
le prieuré n’intéresse plus ses protecteurs parce qu’il a perdu toute valeur économique. La mission même du prieuré
semble oubliée puisqu’en 1709, l’abbaye de L’Absie fait l’aumône aux pauvres de LCSE (1).

En 1731,

« Jacques Segot est prieur curé. Il y a deux cimetières : l’un enfermé, l’autre coupé de chemins.
Il y a trois chapelles : une de Saint Antoine, une de la Sainte Vierge. La troisième est consacrée à Saint Etienne.
Il n’y a qu’une cloche et 259 communiants. Il y a un huguenot. Quant à savoir qui est le seigneur de la paroisse,
c’est en contestation ». « en 1735, l’église est réparée et pourvue de tous les ornements nécessaires.
Le huguenot après abjuration et conversion, a été enterré par le prieur (7) ».

Dès la fin du XVIIIe siècle, la volonté de la hiérarchie catholique à regagner un terrain abandonné aux protestants
se traduit par un embellissement des églises. La liturgie elle-même est profondément modifiée : les messes sont
considérablement raccourcies, les prédications se font en langue maternelle, la confession est privée …

Les travaux réalisés dans l’église de LCSE correspondent donc à cette reconquête méthodique des fidèles.

Le cadastre napoléonien (terminé le 1er mai 1811) montre un petit bourg de LCSE dilué dont l’église forme le centre.

L’église subit une nouvelle campagne de restauration au milieu du XIXe siècle. En octobre 1841, le Conseil de Fabrique
décide de la vente d’un de ses terrains dit du Grand Champ « pour pourvoir aux réparations urgentes de l’église
qui menace ruine (8) ».

Une troisième campagne de restauration voit le jour en 1922.

« La dépense s’élèvera suivant détail estimatif à la
somme totale de 22445 francs y compris honoraires (9) ».

En 2008,

le Conseil Municipal de LCSE validera une nouvelle tranche de travaux. La couverture du clocher, de la nef,
de la croisée, des transepts et du chœur sera réalisée, avec reprise des parties hautes de clocher et consolidation
des transepts. Des travaux d’assainissement et l’aménagement des abords de l’église complèteront cette restauration.

 

  • Edouard Raison « L’abbaye de L’Absie en Gâtine » – Tome 13 – 1936
  • François Eygun « L’abbaye Notre Dame de la Réau » – Tome 15 – 1938
  • Maurice Poignat « Histoire des communes des Deux-Sèvres, le pays du bocage » – 1981
  • Chasteigner : famille originaire de La Rochelle que l’on retrouve résidant en cette ville dès le XIVe siècle,
    où elle remplit d’importantes charges municipales qui lui ont procuré la noblesse. C’est une famille protestante.
  • Bauchet Filleau « Dictionnaire des Familles du Poitou » – 1895
  • Abbé Benoni Drochon « L’Ancienarchiprêtré de Parthenay » – 1884
  • C’est la place qui entoute l’église de tous les côtés excepté au midi.
  • Compte rendu des visites en la paroisse de LCSE – Abbé Benoni Drochon
  • Archives Départementales des Deux-Sèvres – Série 2
  • Mongeau – Architecte Départemental – Mémoire du 02 juin 1922

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